Juin  2025    -   L'hoplie bleue (hoplia caerulea)

Le mois de Juin—ou plutôt une période d’une quinzaine de jours dans ce mois—est l’occasion d’aller en bord de la rivière Senouire afin d’observer les hoplies bleues…

L’idéal est de choisir une belle journée, de passer le pont de Lavaudieu et d’aller flâner à quelques mètres du bord dans les prés humides parfois recouverts lorsque la rivière est en crue. On peut alors observer ces coléoptères, proches cousins des hannetons, qui présentent une couleur étonnante : un bleu azur avec des tonalités chromatiques . Ils sont petits, moins d’un centimètre, mais sont très visibles, même à plusieurs mètres de distance.  En fait, ils aiment se montrer, ils escaladent surtout les grandes tiges de graminées poussant en bord de rivière et se postent au sommet afin de montrer leur belle parure… 
Vous l’aurez compris : il s’agit des mâles de l’espèce. La femelle est infiniment plus discrète, plutôt couleur brune, légèrement plus grande. Elle se tient sur le sol et ne pratique pas l’escalade. 

C’est tout de même gênant d’écrire en titre le nom de l’espèce et de constater qu’il ne s’agit que du mâle ! 
De surcroît, « hoplie » est du genre féminin.

Celui-ci se tient donc en  majesté. Si l’on se rapproche, on constate qu’il se livre à un numéro d’équilibriste : il n’utilise pas toutes ses pattes pour se maintenir en position. Les pattes arrières sont dans le vide et ses appuis sont parfois réduits à  trois pattes. Cette position se justifie scientifiquement : il libère des phéromones sexuelles et favorise ainsi leur dissémination. Ces phéromones ainsi lâchées peuvent déplaire aux mâles voisins et il n’est pas rare de voir ces guerriers en armure bleue se livrer combat.

Revenons à la couleur du mâle. Celle-ci passionne les scientifiques, particulièrement les physiciens spécialistes de l’optique.
Les élytres de l’animal sont couvertes d’empilements de plaques de chitine avec sur les côtés des bâtonnets parallèles. Il est aussi constaté qu’il y a beaucoup d’air, de vide entre ces plaques. Bref, cela donne des caractéristiques optiques uniques de réfraction de la lumière avec des reflets irisés bleu-violet.  Si vous ajoutez un liquide, de l’eau par exemple, vous pouvez faire varier la couleur si celui-ci s’insère entre les plaques. Concrètement, si vous grattez un peu une élytre de l’animal et humidifiez votre doigt, vous pourrez percevoir une autre nuance de teinte.
(à ce stade de présentation de l’animal je tiens à préciser que vous n’obtiendrez pas une transformation de l’animal  en gastéropode si vous le trempez préalablement dans l’huile avant l’eau)

 

Ce beau mâle passionne donc les scientifiques et l’on constate dans les commentaires que des personnes sont émerveillées et parlent de « véritables prodiges de l’évolution », de « remarquables adaptations à un milieu ».
A titre personnel, je ne rejoins pas trop ces qualificatifs. Certes, la couverture « aérée » des élytres et ses propriétés optiques susceptibles de trouver des applications dans le domaine scientifique, ce n’est pas rien… mais pour le reste ?

Il me semble que monter en haut d’une tige de plante, c’est s’exposer à la vue des prédateurs. L’oiseau qui aime croquer du scarabée n’a pas besoin d’avoir une vue exceptionnelle : avec l’hoplie, on ne joue pas dans le mimétisme !
D’autre part, pourquoi monter en haut d’une tige à un mètre de haut pour disséminer ses phéromones ? Si l’on est seul, cela se comprend, mais à Lavaudieu, les hoplies sont en colonies. A noter que si un mâle est resté en bas, il peut profiter de la situation et trouver plus rapidement une femelle. Les hoplies volent comme les hannetons, les élytres protégeant les ailes. Mais je n’ai jamais vu une descente en piqué d’un mâle ayant remarqué une femelle, je serai plus attentif la semaine prochaine… Il est aisé de récolter un mâle dans sa posture d’équilibriste, ce qui montre bien sa vulnérabilité. Vous constaterez qu’il est aussi facile de le photographier. Peu après, l’éphèbe bleu (enfin, celui qui a échappé aux prédateurs) s’accouple avec une discrète femelle, les œufs sont pondus et la larve se nourrira en mangeant les racines de plantes sauvages de bord de rivière, au grand soulagement de votre potager.


L’autre jour, quelques kékés dotés de machines rutilantes et pétaradantes sont passés dans ma rue., en diffusant des phéromones au parfum de gaz d’échappement. Les signaux sonores et olfactifs semblaient insuffisants pour eux : il leur parut nécessaire de se mettre en équilibre sur la roue arrière et de rivaliser dans cette position, avec casque fluo assorti aux couleurs de leur machine.
Je ne suis pas persuadé que  les jeunes filles aient été subjuguées par la prestation.
Et je ne suis pas convaincu non plus qu’ils soient des prodiges de l’évolution humaine...

 

Les Histoires Précédentes

Juin  2025  L'hoplie bleue(hoplia caerulea)

Le mois de Juin—ou plutôt une période d’une quinzaine de jours dans ce mois—est l’occasion d’aller en bord de la rivière Senouire afin d’observer les hoplies bleues…

L’idéal est de choisir une belle journée, de passer le pont de Lavaudieu et d’aller flâner à quelques mètres du bord dans les prés humides parfois recouverts lorsque la rivière est en crue. On peut alors observer ces coléoptères, proches cousins des hannetons, qui présentent une couleur étonnante : un bleu azur avec des tonalités chromatiques . Ils sont petits, moins d’un centimètre, mais sont très visibles, même à plusieurs mètres de distance.  En fait, ils aiment se montrer, ils escaladent surtout les grandes tiges de graminées poussant en bord de rivière et se postent au sommet afin de montrer leur belle parure… 
Vous l’aurez compris : il s’agit des mâles de l’espèce. La femelle est infiniment plus discrète, plutôt couleur brune, légèrement plus grande. Elle se tient sur le sol et ne pratique pas l’escalade. 

C’est tout de même gênant d’écrire en titre le nom de l’espèce et de constater qu’il ne s’agit que du mâle ! 
De surcroît, « hoplie » est du genre féminin.

Celui-ci se tient donc en  majesté. Si l’on se rapproche, on constate qu’il se livre à un numéro d’équilibriste : il n’utilise pas toutes ses pattes pour se maintenir en position. Les pattes arrières sont dans le vide et ses appuis sont parfois réduits à  trois pattes. Cette position se justifie scientifiquement : il libère des phéromones sexuelles et favorise ainsi leur dissémination. Ces phéromones ainsi lâchées peuvent déplaire aux mâles voisins et il n’est pas rare de voir ces guerriers en armure bleue se livrer combat.

Revenons à la couleur du mâle. Celle-ci passionne les scientifiques, particulièrement les physiciens spécialistes de l’optique.
Les élytres de l’animal sont couvertes d’empilements de plaques de chitine avec sur les côtés des bâtonnets parallèles. Il est aussi constaté qu’il y a beaucoup d’air, de vide entre ces plaques. Bref, cela donne des caractéristiques optiques uniques de réfraction de la lumière avec des reflets irisés bleu-violet.  Si vous ajoutez un liquide, de l’eau par exemple, vous pouvez faire varier la couleur si celui-ci s’insère entre les plaques. Concrètement, si vous grattez un peu une élytre de l’animal et humidifiez votre doigt, vous pourrez percevoir une autre nuance de teinte.
(à ce stade de présentation de l’animal je tiens à préciser que vous n’obtiendrez pas une transformation de l’animal  en gastéropode si vous le trempez préalablement dans l’huile avant l’eau)

 

Ce beau mâle passionne donc les scientifiques et l’on constate dans les commentaires que des personnes sont émerveillées et parlent de « véritables prodiges de l’évolution », de « remarquables adaptations à un milieu ».
A titre personnel, je ne rejoins pas trop ces qualificatifs. Certes, la couverture « aérée » des élytres et ses propriétés optiques susceptibles de trouver des applications dans le domaine scientifique, ce n’est pas rien… mais pour le reste ?

Il me semble que monter en haut d’une tige de plante, c’est s’exposer à la vue des prédateurs. L’oiseau qui aime croquer du scarabée n’a pas besoin d’avoir une vue exceptionnelle : avec l’hoplie, on ne joue pas dans le mimétisme !
D’autre part, pourquoi monter en haut d’une tige à un mètre de haut pour disséminer ses phéromones ? Si l’on est seul, cela se comprend, mais à Lavaudieu, les hoplies sont en colonies. A noter que si un mâle est resté en bas, il peut profiter de la situation et trouver plus rapidement une femelle. Les hoplies volent comme les hannetons, les élytres protégeant les ailes. Mais je n’ai jamais vu une descente en piqué d’un mâle ayant remarqué une femelle, je serai plus attentif la semaine prochaine… Il est aisé de récolter un mâle dans sa posture d’équilibriste, ce qui montre bien sa vulnérabilité. Vous constaterez qu’il est aussi facile de le photographier. Peu après, l’éphèbe bleu (enfin, celui qui a échappé aux prédateurs) s’accouple avec une discrète femelle, les œufs sont pondus et la larve se nourrira en mangeant les racines de plantes sauvages de bord de rivière, au grand soulagement de votre potager.


L’autre jour, quelques kékés dotés de machines rutilantes et pétaradantes sont passés dans ma rue., en diffusant des phéromones au parfum de gaz d’échappement. Les signaux sonores et olfactifs semblaient insuffisants pour eux : il leur parut nécessaire de se mettre en équilibre sur la roue arrière et de rivaliser dans cette position, avec casque fluo assorti aux couleurs de leur machine.
Je ne suis pas persuadé que  les jeunes filles aient été subjuguées par la prestation.
Et je ne suis pas convaincu non plus qu’ils soient des prodiges de l’évolution humaine...

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Mai 2025 - L'azuré des orpins
910 ko
orpins.pdf
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